[FR] La mort du moi, du mien et du tien

[FR] La mort du moi, du mien et du tien

Matéria originalmente publicada na edição nº 1424 do Jornal Notícia, em português. Traduzida pela equipe do Paraná Fala Francês (PFF).

L’exemple qui se passe avec autres enseignants, le professeur Alamir Aquino Corrêa il a pris sa retraite de l’UEL (2019), mais il continue comme professeur émérite, opérant au Programa de Pós-Graduação em Letras (PPGL). Possédant un doctorat en Espagne et trois stages postdoctoraux (au Canada, aux États-Unis et en Espagne), Alamir est de ces professeurs qui regardent le monde et automatiquement pense à sa recherche.  Dans son cas, c’est particulièrement facile, car il se dédie il y a plus de 20 ans aux études de la mort dans la littérature.

Alamir raconte que tout a commencé en 2001, quand il participait à un rendez-vous de chercheurs à Cologne (Allemagne). En visite aux musées et d’autres endroits dans ce pays, il a vu des représentations de l’Homme de Neandertal et plusieurs peintures représentant la peste noire, ainsi que les cadavres exposés. Il a l’impact de cette expérience qui le stimule au thème de la mort. « Nous nous préoccupons trop de la mort et essayons de nous en éloigner. D’un autre côté, les cimetières et les catacombes sont des attractions touristiques et suscitent la curiosité humaine», estime-t-il. Le cimetière de la Recoleta (Buenos Aires) et les catacombes de Paris sont deux entre plusieurs exemples de locaux qui attirent des centaines de milliers de visiteurs toute l’année dans ce qu’on appelle nécrotourisme. 

Cimetière de la Recoleta (Buenos Aires).

Dans la Littérature, le chercheur se souvient que le premier grand texte à propos de la mort et les conséquences à celui qui reste vivant est l’Épopée de Gilgamesh, un écrivain sumérien daté du XX ͤ  siècle avant Jésus-Christ. Un autre fait marquant vient du dramaturge grec Sófocles (V siècle av. J. -C, l’auteur d’Œdipe Roi et Antigone, des narratives de morts tragiques. 

L’Épopée de Gilgamesh gravé dans la pierre.

Au PPGL, Alamir ministre une discipline au master, offerte à chaque trois semestres, intitulée Formes et Raisons, dans laquelle il mène des explorations thématiques, comme la mort et le laid dans les œuvres littéraires. Chaque classe a environ 18 et 25 étudiants. Selon lui, les cours ont surpris avec l’envie de débattre et principalement avec les témoignages, où tout le monde apporte à la salle de classe des expériences avec la mort, plus ou moins directement. Résultat : il a eu plus de 10 classes qui ont aidé à produire 11 dissertations et six thèses. « On aura plus », ajoute-t-il. 

Pour cela, le chercheur a fini par élargir la mise au point, pour étudier la mort pas seulement dans la littérature, mais aussi dans d’autres arts, comme la Peinture et l’Architecture. « Elle a été le premier grand art qui a ‘absorbé’ l’idée de la mort, avec les structures et ses significations », dit-il. Et explique : Un cimetière est, dans son sens ultime, un lieu pour dormir, jusqu’à ce qu’il soit temps de se lever à nouveau. Or « catacombes » veut dire « entre tombes », c’est-à-dire, des lieux de mort définitive. 

Illustration d’Œdipe face au Sphinx.

L’ordre à partir du chaos

Avec la mort là-bas dans n’importe quelle direction qui se voit, Alamir a établi quelques critères pour déterminer la lecture et l’étude à suivre. Il est arrivé à trois catégories de mort dans les arts : du moi, du mien et du tien. L’exemple du premier est le poème connu du romancier Álvares de Azevedo, intitulé « Si je mourrais demain» (publié en 1853, à titre posthume), dont la première strophe dit :  Si je mourrais demain, je viendrais au moins/ Fermer mes yeux ma triste sœur;/ Ma mère qui me manque mourrait/Si je mourais demain ! ».

Un exemple de la mort du « mien » est la musique « Naquela mesa » (1972), de Sérgio Bittencourt, dédié à son père, Jacob de la Mandoline, qui dit : « Si seulement je savais à quel point la vie fait mal/ Cette douleur fait si mal, ça ne fait pas mal comme ça/ il y a maintenant une table dans la salle/ Et aujourd’hui plus personne ne parle de sa mandoline/ Il manque dans cette table/ Et son manque me fait du mal.

D’autres exemples mentionnés par l’enseignant sont Dom Casmurro (Machado de Assis), Paulo Honório (de « São Bernardo », de Graciliano Ramos) et Riobaldo (Grande Sertão: Veredas, Guimarães Rosa). La troisième est la mort du «tien», impliquant l’idée d’altérité et d’empathie. À cet égard, la littérature emprunte des concepts à la psychanalyse. Parallèlement, le professeur Alamir évoque une autre catégorie : ceux qui sont sur le point de mourir. Cette expression est connue depuis l’Antiquité romaine, lorsque les gladiateurs saluaient l’empereur avec le cri «Ave César, morituri te salutant», c’est-à-dire «Ave César, ceux qui vont mourir te saluent». En littérature, le professeur cite «Le Journal d’Anne Frank».

«Nous nous préoccupons trop de la mort et essayons de nous en éloigner. D’un autre côté, les cimetières et les catacombes sont des attractions touristiques et suscitent la curiosité humaine», commente le professeur Alamir (Willian Fusaro/Agence UEL).

Il y a plus : le concept de «laissé-pour-compte», courant dans les cas de génocides et des holocaustes. L’œuvre «Si c’est un homme» (1947) de Primo Levi, auteur italien d’origine juive, en est un exemple. Emmené en train à Auschwitz, il a survécu, mais beaucoup d’autres n’ont même pas atteint le camp de concentration vivants. Alamir explique que dans ces cas intervient la «culpabilité du survivant», un processus de deuil empreint de culpabilité, de questionnement sur le fait d’avoir survécu alors que tant d’autres sont morts, souvent de manière violente ou tragique. Le professeur rappelle que ce processus implique une façon de «mort» et surmonter cette condition serait comme renaître.

Dans la littérature contemporaine, le chercheur donne l’exemple de l’œuvre «O pai da menina morta» (2018) de Tiago Ferro, qui raconte le processus de deuil suite à la mort de sa fille de huit ans. La fiction mêle des extraits de journaux, des e-mails, des messages d’applications avec des textes littéraires et des paroles de chansons sur cette perte.

La liste des œuvres et auteurs d’Alamir est très longue. Il a mentionné des écrivains romantiques, réalistes, des poètes du XXe siècle, Shakespeare, Assis Brasil (Piauí), Lygia Fagundes Telles, Tolstoï, Drummond, Cornélio Penna, entre autres.

En somme, il existe une multitude d’exemples et de perceptions, et il a été un défi pour le chercheur de traiter tous ces sujets. À titre d’exemple en peinture, il cite «Le Premier Deuil» (1888) du peintre français William-Adolphe Bouguereau (1825-1905), qui dépeint Adam et Ève pleurant la mort d’Abel. Alamir interprète qu’ils pleurent à la fois la victime et le meurtrier, ainsi que la fin violente de leur propre avenir. Il est à noter que le peintre avait perdu un fils peu de temps auparavant.

Que faire des morts?

Le professeur Alamir observe également un autre point : que faire des morts ? Les gens ne veulent pas de contact avec eux. Le livre «La Solitude des mourants» du sociologue allemand Norbert Elias (1897-1990) traite sur ce sujet : les vivants ne parviennent pas à montrer de l’affection aux mourants précisément au moment où ils en ont plus besoin. Lors d’un voyage en Grèce, le chercheur a constaté qu’il n’y a plus de place pour enterrer les morts, d’où l’incitation à la crémation et à la pratique de déplacer les os, après une période déterminée, vers un autre lieu. On parle même de compostage des restes. En d’autres termes, les vivants ont des obligations envers les morts même longtemps après leur décès, car ces derniers sont encore des sujets de préoccupations religieuses, éthiques, sanitaires et juridiques, entre autres.

Ces questions vont encore plus loin, avec l’État, et non la Nature, régulant qui est vivant et qui est mort. Deux situations illustrent cette idée : premièrement, les milliers de personnes qui doivent obligatoirement fournir une «preuve de vie», c’est-à-dire prouver au gouvernement qu’elles sont vivantes, pour continuer à recevoir un bénéfice de l’INSS. En 2019, un homme de 90 ans, très affaibli, a été transporté jusqu’à une agence bancaire à Lapa (PR). Il n’a pas supporté l’effort et il est mort quatre jours plus tard.

Le deuxième exemple est celui d’une personne qui, par erreur, a été déclarée morte et pour laquelle un certificat de décès a été expédié. Elle devra prouver par des documents qu’elle est vivante. À l’autre extrême, il y a la pièce de Dias Gomes, «O Bem Amado» (1962). Là, la caricature du maire, Odorico Paraguaçu, faisait face à un problème opposé : il voulait inaugurer un cimetière, mais personne ne mourait.

La pandémie récente a également bouleversé tout le monde à cet égard. Pour Alamir, elle a révélé de nombreuses failles des êtres humains. Elle a montré à quel point la science a besoin de soutien, mais il faudra encore du temps avant que l’art ne puisse représenter ce qui s’est passé, car c’est encore très récent. Cependant, ce fut une période difficile pour le processus de deuil, car les veillées et les enterrements ont été interdits pendant un certain temps. Il n’y a pas eu de rite d’adieu approprié. «Comment accepter la mort de quelqu’un sans le corps pour faire ses adieux ?», interroge le chercheur.

Groupes

Heureusement, bien que le travail soit titanesque, Alamir n’est pas seul. Il explique qu’il échange des idées avec un groupe de chercheurs de la PUC-MG et un autre de Bahia, et parle également d’un groupe qui étudie le suicide dans la littérature, à Campo Mourão. Pourtant, le professeur affirme qu’en fin de compte, le travail de chercheur est solitaire, surtout sur des sujets tabous comme ceux-ci. «Voyez le cas du suicide. Rien qu’en postant le mot, Facebook envoie un message pour en savoir plus sur la personne qui l’a fait, si elle ne se sent pas bien, pourquoi elle a abordé ce sujet», dit-il. Cependant, comme le dit le professeur, parler de la mort, c’est parler de la vie, et étudier la mort, c’est étudier l’avenir.

À l’UEL, en plus des étudiants de son cours, le professeur a ses doctorants, qui abordent également la littérature sous d’autres formes, comme la production numérique et son esthétique. Cela inclut la poésie virtuelle haptique (tactile). Le professeur développe également un projet de recherche sur les élégies, inscrit au CNPq (Conseil National de Développement Scientifique et Technologique).

Versão em francês: Byanca Gabriely Silva de Oliveira e Mateus José Guimarães de Abreu, instrutores do Programa Paraná Fala Francês (PFF/UEL). Revisão: Caroline Rodovalho. Docente do Departamento de Letras Estrangeiras Modernas da UEL

Matéria originalmente publicada em português na edição nº1424 do Jornal Notícia: A morte do eu, do meu e do teu.

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